Lutte contre le terrorisme : « La solution militaire, oui ; mais Il faut un dialogue permanent entre l’administration et les confessions religieuses » (Amadou Sanogo)

Publié le vendredi 31 mars 2017 à 00h58min

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Lutte contre le terrorisme : « La solution militaire, oui ; mais Il faut un dialogue permanent entre l’administration et les confessions religieuses » (Amadou Sanogo)

Amadou Sanogo fait partie de la deuxième génération des étudiants à étudier à l’université islamique de Médine en Arabie Saoudite. De retour au pays après ses études, il s’est Installé à Bobo-Dioulasso et est engagé dans l’humanitaire, la promotion de la paix et de l’islam. Nous l’avons rencontré pour échanger sur les questions d’actualité, notamment le terrorisme.

Lefaso.net : Qui est M. Sanogo ?

Amadou Sanogo : C’est le fondateur des écoles franco-arabes à Bobo Dioulasso et vice-président de la communauté musulmane. Actuellement, je suis membre de l’Office national des affaires religieuses, ONAHFA, imam à la grande mosquée, mais également le président de l’Association pour la mémorisation du coran.

Pour ce qui concerne mon cursus scolaire, j’ai fait mes études primaires à Bobo Dioulasso, le premier et le deuxième cycle à l’université islamique de Médine en Arabie Saoudite. Là-bas, j’ai obtenu ma maitrise en 1985 et mon DEA en 1988. Après mes études, j’ai été envoyé au Togo comme missionnaire de la ligue mondiale islamique où j’ai fait 3 ans avant de revenir au pays pour ce même poste.

Les rumeurs disent que vous êtes promotionnaire au chef de Boko Haram, Aboubacar Sekahu. Qu’en est-il ?

Non, ce n’est pas vrai. Je ne l’ai jamais connu et nous n’avons pas étudié ensemble. Je suis de la deuxième génération des étudiants en Arabie saoudite ; même s’il est venu là-bas, c’est après nous.

Comment se porte la communauté musulmane à Bobo-Dioulasso ?

Il faut dire qu’on ne parle plus de la communauté musulmane, mais de la fédération des associations islamiques du Burkina. Cette fédération permet aujourd’hui de fédérer les activités de plus de 200 associations. Je dirai que la fédération est la bienvenue, car nous avons plus de 200 associations. La communauté se porte bien et très dynamique. L’adhésion est libre et toutes les grandes tendances des associations musulmanes se reconnaissent à l’intérieur de cette fédération.

Nous assistons à des dons de mosquée de la part de pays musulmans comme le Qatar ou l’Arabie Saoudite. Ces pays ont-ils une influence sur votre pratique religieuse ?

Bien avant ces dons, le Qatar et l’Arabie saoudite aidaient nos pays et cela datent des années 1970, alors que le terrorisme est un phénomène récent. L’intention de ces derniers n’est pas d’influencer les croyances religieuses à mon humble avis. Leur intention est désintéressée. C’est aider les personnes démunies sur le plan social et spirituel. Vous savez, ces pays mêmes combattent le terrorisme et les brebis galeuses ne manquent pas.

Quelles sont vos relations avec les autres communautés religieuses

A Bobo Dioulasso nous avons de très bonnes relations avec les catholiques, les protestants et les coutumiers. Nous n’avons pas de problèmes avec les autres confessions religieuses. Face à certaines situations, on se retrouve pour chercher des solutions. C’est le cas par exemple du cimetière de Bobo. Nous travaillons ensemble pour ce qui concerne les œuvres sociales. Lorsque l’Union fraternelle des croyants (UFC) de Dori est de passage ou organise des activités, ils nous font appel. Pour ce qui concerne les prêches, il existe vraiment la tolérance, il n’y a pas de dénigrement de religions jusqu’à ce jour.

Le Burkina Faso est menacé depuis quelques années par les extrémistes ? Quel est votre avis et comment expliquez-vous la montée de l’extrémisme au Burkina Faso ?

C’est un phénomène international et régional et le Burkina ne peut pas faire l’exception. La pauvreté, le chômage et la mauvaise compréhension des textes islamiques et l’absence de dialogue entre l’autorité et les confessions religieuses expliquent en grande partie la montée de l’extrémisme.

Comment peut-on arriver à vaincre le terrorisme au Burkina Faso ?

La solution militaire, oui, mais elle est minime. Il faut un cadre de dialogue permanent entre l’administration et les confessions religieuses. Pour le cas du Nord, il faut que l’Etat fasse appelle à la Fédération des associations islamiques du Burkina (FAIB). Ainsi, les savants musulmans vont animer des conférences et surtout des prêches pour sensibiliser. Vous savez la mauvaise interprétation des textes islamiques est souvent à l’origine.

Aussi, il faut que le gouvernement communique beaucoup pour situer le problème afin que les populations sachent la vérité. Pour le cas du Nord, il faut donner les noms des différents groupes, constater s’ils sont affiliés aux groupes terroristes internationaux et en connaitre les motifs. Un élément très important : il faut sensibiliser à travers la télévision et la radio nationale. Je pense qu’on doit accorder beaucoup de temps aux religieux, car ils sont les éducateurs de la société. L’émission « Foi de croyant » n’est pas suffisante. On le fait en français, c’est destiné uniquement aux intellectuels. Il faut le faire dans les langues nationales et l’impact sera grand. Le divertissement domine dans les programmes.

Le chômage des jeunes est criard au Burkina Faso. Quelles solutions proposez-vous pour lutter contre ce fléau, surtout à Bobo-Dioulasso ?

Le programme de nos écoles n’est pas du tout adapté. La formation et l’insertion professionnelle est la solution. L’éducation des jeunes à travers les medias est prépondérante. Nous devons montrer les modèles qui ont réussi dans la vie à la télé et à la radio. Cela va galvaniser les autres. Même sur la scène politique, les jeunes sont absents. Travailler pour que les jeunes prennent conscience, un modèle de réussite.

En ce qui concerne la responsabilité des jeunes, je n’y crois pas. Il faut une prise de conscience alors que nos jeunes ne sont pas éduqués réellement dans ce sens. La solidarité africaine fait que certains ne savent pas se battre, car ils savent que s’ils ne font rien, ils vont manger. Un autre aspect : l’Etat burkinabè fait beaucoup pour les écoles franco-arabes. Je souhaite que l’Etat trouve des bourses nationales pour les élèves des écoles franco-arabes afin que ces derniers étudient au secondaire jusqu’à l’université dans le pays. Mais quand on laisse les élèves aller dans les pays arabophones, certains vont se laisser radicaliser par des extrémismes. C’est un des facteurs de la montée du terrorisme.

Vous venez en aide aux personnes démunies et vous faites des réalisations au profit des communautés ?

Je tiens à préciser que c’est avec l’appui des bonnes volontés, souvent mes promotionnaires avec qui on a étudié ensemble, que je fais les réalisations. A ce jour, j’ai construit plus de 70 écoles franco-arabes, des mosquées, des puits ordinaires et des forages. Pendant la Tabaski et le Ramadan, je viens en aide aux personnes qui sont dans le besoin. En tant que président de l’association pour la mémorisation du coran, nous organisons chaque année des compétitions afin de préparer la relève dans les mosquées.

Votre dernier mot ?

C’est ensemble que nous pourrons vaincre le terrorisme et l’extrémisme violent. Je demande encore à l’Etat de créer un cadre de dialogue permanent avec les religieux pour discuter sur les questions essentielles du pays. Merci à Lefaso.net et surtout longue vie à vous.

Dalou Mathieu Da

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