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Université Nazi Boni : Quand des zéros collectifs font révolter des étudiants

lundi 22 janvier 2018, par jack

L’unité de formation et de recherche en sciences juridiques, politiques, économiques et de gestion (UFR/SJPEG) est l’un des établissements de l’Université Nazi Boni (UNB). Depuis le mois d’octobre 2017, l’UFR traverse une crise née du boycott de la programmation d’une série de devoirs par les étudiants de la première année de sciences économiques et de gestion (SEG). Après avoir écouté les deux protagonistes, le porte-parole des étudiants, Porgo Issiaka et le directeur de l’UFR, Dr Joseph Bayala, voici les faits…

Cela fait quelques mois déjà que l’UFR/SPEG de l’Université Nazi Boni traverse une crise. Un bras de fer qui oppose les étudiants de la première année de sciences économiques et de gestion (SEG) aux personnels de leur administration. Cette crise est née suite au boycott de la programmation d’une série de devoirs de S1 par ces étudiants.

En effet, la promotion de SEG1 2016-2017 a effectué sa rentrée académique le 07 mars 2017 et a pu suivre les cours de premier semestre (S1) jusqu’en fin juillet 2017 avec un seul devoir comptant pour ce semestre et qui a été fait le 21 juin 2017 avec 668 étudiants présents. En ce qui concerne les devoirs, un premier programme affiché en début juin concernait les cours déjà terminés. Ce programme n’a pu être exécuté comme prévu car les résultats de la session de rattrapage des ainés n’étaient pas encore disponibles pour permettre aux ajournés de se réinscrire afin de composer avec la nouvelle promotion (chevauchement des années académiques). Par ailleurs, des sessions de rattrapage en droit ont aussi occasionné un problème de disponibilité de salles de composition.

Finalement, seul le premier devoir a été administré et cela le 21 juin 2017. Vu les difficultés rencontrées, l’administration a continué la programmation des cours et travaux dirigés sans pouvoir faire un autre devoir, les étudiants étant informés que les devoirs se feront à la reprise en septembre au cas où ce mois serait réquisitionné pour la résorption des retards.

A en croire le directeur de l’UFR, Dr Joseph Bayala, des étudiants de la promotion de SEG1 n’ont cessé d’appeler le chef de département pour savoir si la reprise était prévue pour le mois de septembre, cela afin de mieux se préparer.

« Suite à la rencontre de Ouagadougou qui a eu lieu les 27, 28 et 29 juillet 2017, le mois de septembre n’a pas été réquisitionné. Le 29 juillet 2017, le chef de département SEG a communiqué à la classe, le calendrier de devoirs des 7 cours achevés. Ce calendrier prévoyait lesdits devoirs pour les 3, 4, 5 et 6 octobre 2017, soit donc après les deux mois de vacances, c’est-à-dire les mois d’août et de septembre. Ce sont des devoirs de deux ou trois heures », a souligné le directeur de l’UFR.
Ce dernier a affirmé que le 1er septembre, le délégué des étudiants a appelé le chef de département pour l’informer qu’un « groupe » d’étudiants l’avait contacté parce qu’ils ne seraient pas prêts pour les devoirs. Le chef de département lui a répondu que ces étudiants avaient encore un mois pour se préparer car les devoirs étaient prévus pour octobre.

Après trois Assemblées Générales tenues, les étudiants décident de boycotter la composition

« Le lundi 2 octobre, nous avons été informés par la scolarité que les listes répartissant les étudiants dans les salles de composition ont été arrachées et le mardi 3 octobre 2017, nous avons assisté malheureusement au boycott actif du devoir prévu dans la matinée. Des étudiants se sont par ailleurs employés à arracher les listes bien qu’elles aient été affichées à deux reprises. Ils obstruèrent également les entrées des salles et proférèrent des propos très désobligeants à l’encontre de l’administration et du personnel présent sur place », nous a confié DR Joseph Bayala.

Selon lui, les motifs avancés par les étudiants étaient les suivants :
• Le calendrier des évaluations est inapproprié ;
• Les deux mois de vacances ne sont pas faits pour étudier, mais plutôt pour se reposer ;
• Ils n’entendent pas faire plus de deux évaluations par semaine.

Les mêmes raisons ont été avancées par le porte-parole des étudiants lorsque nous l’avons rencontré.
« Jusqu’à preuve de contraire, il n’y pas une loi qui dit que les vacances sont faites pour bosser. A l’issue de nos AG, nous avons décidé de ne pas composer les devoirs de cette manière. Nous avons décidé de composer lorsque les devoirs seront séparés, c’est-à-dire deux devoir par semaine au maximum », nous a confié Porgo Issiaka.

En outre, le directeur a signalé que d’autres classes de l’UFR ont composé leur session pendant la période des vacances. Les étudiants de droit ont en effet composé dix devoirs en septembre. Par ailleurs, des évaluations ont eu lieu dans toute l’Université Nazi BONI durant le mois de septembre.

Porgo Issiaka

« Avant le boycott des évaluations, le délégué général des étudiants, lui-même étudiant en droit et son adjoint, étudiant en économie sont entrés en contact avec l’administration pour livrer le message des étudiants de SEG1 selon lequel les vacances ne sont pas faits pour étudier et que les étudiants ne comptaient donc pas composer la session de rattrapage. Il a été rappelé au délégué général qu’il venait à peine de terminer sa session de 10 évaluations qui avait débuté le 21 septembre. Le directeur adjoint et le chef de département SEG ont profité de l’occasion pour leur prodiguer des conseils et leur signifier les risques en cas de boycott. Cette promotion de SEG1 a été aussi conseillée par leurs ainés de deuxième année et de troisième année qui comprenaient à peine le sens de leur lutte, du moment où le programme est sorti avant les vacances », a-t-il laissé entendre.

Toutefois, l’administration par la voix de son directeur estime que ce comportement des étudiants est :
• Une attitude de compromission de l’action pédagogique ;
• Une défiance des autorités académiques ;
• Une forme de sévices moraux et physiques exercés sur les membres de l’administration ;
• Une entrave très grave au bon déroulement des activités pédagogiques, à la résorption des retards et des chevauchements des années.

« Le 10 octobre 2017, nous avons adressé un rapport à la vice-présidence chargée des enseignements et des innovations pédagogiques avec ampliation au président sur le sujet. Nous avons indiqué que les étudiants de la promotion incriminée écoperont d’un zéro collectif à l’ensemble des évaluations qui étaient programmées. Cette décision sera validée le 19 octobre 2017 par le conseil d’établissement de l’UFR », a dit le responsable de l’UFR.

Après le boycott de la session, le dernier cours du S1 a été programmé et évalué le 28 octobre avec 791 étudiants présents.
Selon lui, à plusieurs reprises, il a été expliqué aux étudiants pourquoi l’administration ne pouvait pas revenir sur la programmation de la session. C’était respectivement le 16 novembre avec la corporation ANEB, le 21 novembre avec le délégué de classe et son adjoint et le 27 novembre avec la délégation générale de l’UFR.

Le directeur a affirmé que dans la matinée du jeudi 30 novembre 2017, un sit-in a été organisé devant la direction et des devoirs ont été perturbés ce jour-là.
Par ailleurs, dans la soirée du jeudi 30 novembre 2017, à l’occasion d’une rencontre initiée par la direction avec la délégation générale et l’ensemble des délégués de classes et leurs adjoints, ce problème a été à nouveau abordé. A la fin de cette rencontre, la direction l’UFR va accepter de rencontrer l’ensemble des enseignants pour analyser la situation. Mais il était essentiel que les activités de la semaine suivante ne soient pas perturbées comme l’avaient été celles des jours précédents. Malheureusement encore une fois, toutes les activités de la semaine du 4 au 9 décembre seront boycottées, y compris deux devoirs pour le compte du S2.

« Le 8 décembre, le secrétaire principal de l’UFR est séquestré à la direction pendant près de 5 heures. En fait, l’objectif des étudiants était la prise en otage de toute la direction ce jour. Le 14 décembre nous avons examiné la situation avec l’ensemble des enseignants et nous avons estimé qu’il était urgent que la question de la sécurité du personnel soit prise au sérieux. Aussi, la décision de délibérer avec des zéros a été définitivement confirmée », a relaté le directeur.

A en croire le porte parole des étudiants, c’est grâce à l’intervention du ministre Alkassom Maiga qui, leur avait promis de régler la situation dans les plus bref délai, que le secrétaire principal sera libéré.

C’est ainsi que le 16 décembre 2017, la délibération a lieu avec zéro admis et la session de rattrapage est programmée pour le 11 janvier 2018. La présidence est alors saisie par les étudiants pour exiger l’annulation pure et simple de la délibération. Parallèlement ils ont approché des communautés religieuses et coutumières. L’association des parents d’élèves est aussi sollicitée. Plusieurs rencontres ont lieu et la Présidence va demander aux étudiants de faire la session de rattrapage en prenant l’engagement de solliciter une session spéciale pour eux. Cette solution a été refusée par les étudiants. Ce bras de fer va aboutir au maintien de la session de rattrapage comme que prévue.

Une grève générale de 72 heures est alors décrétée pour le 11 janvier 2018 sur l’ensemble de l’Université par les étudiants de SEG1, mais elle ne sera pas suivie. Le 11 et le 12 janvier 2018, des étudiants empêchent violemment le déroulement des deux premières épreuves de la session. Le 13 janvier, une note d’information est publiée par l’administration pour indiquer que la session sera reprogrammée à partir du 16 janvier en précisant que des mesures seront prises afin de permettre aux étudiants qui veulent composer de le faire en toute sérénité et en toute quiétude.

Le 14 janvier, un autre mot d’ordre de grève est lancé, mais connaîtra le même sort que le premier.
Le 16 janvier, après avoir négocié vainement avec les étudiants déterminés à empêcher la session de démarrer, la sécurité a dû disperser les manifestants et l’épreuve a pu se dérouler avec les étudiants qui étaient en salle.

« Le 17 janvier ce fut le même scénario. Le 18 janvier, une autre tentative de sortie de crise est entreprise, mais elle va échouer. Alors la décision a été prise pour la poursuite de la session sous sécurité. Les épreuves des 19 et 20 janvier ont pu se faire sous des mesures sécuritaires encore une fois », a conclu le directeur de l’UFR.

Cependant, les étudiants n’entendent pas s’arrêter la. Ils comptent se faire entendre à travers différentes manifestations dans les jours à venir.

Romuald Dofini
Lefaso.net

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