Tournée du Haut-conseil pour la réconciliation et l’unité nationale : Les travailleurs déflatés de Bobo-Dioulasso réclament justice et réparation

Publié le jeudi 28 juin 2018 à 23h29min

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Tournée du Haut-conseil pour la réconciliation et l’unité nationale : Les travailleurs déflatés de Bobo-Dioulasso réclament justice et réparation

Les membres du Haut-conseil pour la réconciliation et l’unité nationale (HCRUN) ont rencontré, ce jeudi 28 juin 2018 à Bobo-Dioulasso, les forces vives de la région des Hauts-Bassins. Cette rencontre s’inscrit dans le cadre des activités de sensibilisation et d’informations du HCRUN, afin d’impliquer tous les fils et filles du Burkina Faso dans le processus de réconciliation et d’unité nationale. Les populations de la région des Hauts-Bassins ont donc demandé plus de justice et de vérité dans le traitement de leurs dossiers, pour une réconciliation véritable.

Après Koudougou dans le Centre-Ouest, Dédougou dans la Boucle du Mouhoun, Banfora dans les Cascades, la délégation du Haut-conseil pour la réconciliation et l’unité nationale (HCRUN) a déposé ses valises dans la région des Hauts-Basins, précisément à Bobo-Dioulasso. En effet, les membres du HCRUN ont rencontré les forces vives de ladite région, ce jeudi 28 juin 2018, dans la salle de conférence du Centre Muraz de Bobo-Dioulasso. Au cours de cette rencontre, les missions et les activités du HCRUN ont été présentées à la population, ainsi que l’état des lieux des dossiers en cours de traitement.

Selon Bazomboué Léandre Bassolé, président du HCRUN, sa structure œuvre à apaiser les cœurs, à consolider la cohésion sociale par la sensibilisation et le dialogue et à créer les bases et les conditions d’une véritable réconciliation entre les fils et filles du Burkina Faso.
« Créé sous la Transition, le HCRUN a pour mission principale de créer les conditions favorables à la réconciliation, à l’unité nationale et à la cohésion sociale, gages de paix et de stabilité, pour un développement durable. Mener donc des activités de sensibilisation et d’information des populations sur ses attributions et son fonctionnement participe de cette mission », a indiqué le président Bassolé.

Participants

Le HCRUN assure aujourd’hui la gestion de 5065 dossiers de violences en politique qui lui ont été transmis en janvier 2016 par la Commission de réconciliation nationale et des reformes (CRNR), ainsi que les dossiers enregistrés au HCRUN depuis 2016 couvrant la période 1960 à 2015. Cette tournée dans certaines régions du pays est une occasion que le HCRUN offre aux populations concernées, d’exposer leurs préoccupations et d’apporter aussi leurs contributions pour la conquête de cette paix indispensable à la cohésion sociale.

Parmi les différentes préoccupations abordées au cours de cette rencontre, l’on retient la « situation déplorable » des milliers de travailleurs déflatés de la région des Hauts-Bassins. Ce sont notamment les victimes de la SITARAIL, de SAP Olympic, de la SAVANA, etc. Ces travailleurs déflatés ne sont pas allés du dos de la cuillère pour dénoncer l’injustice qu’ils subissent depuis des années.

Traoré Sidi Yaya

Sidi Yaya Traoré, secrétaire général à l’organisation du Comité syndical libre des cheminots du Burkina, souhaite que le gouvernement prenne leurs préoccupations à bras-le-corps. « Depuis la crise qui s’est passée en Côte d’Ivoire en septembre 2002, une guerre entre les loyalistes et les rebelles, nous avons eu des difficultés pour le passage du train à l’époque et la direction a décidé alors de nous mettre en suspension et en chômage technique à durée indéterminée.

Nous sommes suspendus illégalement jusqu’à la date de ma retraite en 2014. Aujourd’hui, j’ai des difficultés pour avoir même mes pièces pour constituer mes dossiers de pension pour la retraite alors que j’ai cotisé pour mon État au moment où j’étais en fonction, de 1978 à 2002, où on m’a mis à la porte », s’est plaint M. Traoré.

Selon lui, cette situation a eu des « conséquences graves » sur des milliers de famille. « Des enfants qui n’ont pas pu poursuivre leur cursus scolaire, des familles déchirées, soit c’est la femme qui abandonne son mari ou c’est le mari qui chasse sa femme, faute de moyens », a-t-il poursuivi.

Mossé Lambert

Lambert Mossé, l’un des premiers compressés de SAP Olympic, quant à lui, demande plus de justice parce qu’il estime qu’ils ont été compressés dans des conditions illégales. « Les seconds compressés de la société ont bénéficié de leurs droits et nous qui sommes les premiers, ils ne nous ont rien donné », a souligné ce dernier.

Ils sont nombreux, ces travailleurs déflatés, qui ont pris la parole (certains avec des larmes aux yeux) pour exposer les conditions pénibles dans lesquelles ils vivent depuis des années. Toutefois, ils fondent l’espoir que le HCRUN mettra tout en œuvre pour qu’ils entrent en possession de leurs droits. Ce qui pourra, selon eux, apaiser les cœurs pour un vivre-ensemble au Burkina Faso.

Mgr Paul Ouédraogo

Monseigneur Paul Ouédraogo, archevêque de Bobo-Dioulasso, pour sa part, s’est réjoui de cette tournée du HCRUN à travers le pays. Il estime que le HCRUN a la légitimé pour interpeller le gouvernement et l’appareil judiciaire pour les cas de blessures et les cas de justice pendants.
C’est pourquoi il demande aux citoyens de faire confiance à cette institution, pour le traitement de leurs dossiers. Selon lui, on ne peut réconcilier que des parties qui ont chacune la volonté d’aller à la réconciliation. Ainsi, il souhaite un engagement des fils et filles de la région à accompagner le HCRUN dans le processus de réconciliation pour un meilleur vivre-ensemble.
« Nous devons travailler avec le HCRUN, non seulement pour lui confier les dossiers, mais aussi pour lui faire confiance afin qu’il puisse travailler à trouver des solutions à tous ces problèmes », a laissé entendre Mgr Paul Ouédraogo.

« Aucune famille ou nation ne peut vivre en situation perpétuelle de guerre ou de conflit. Des blessures, il y en a eus, c’est vrai. Aujourd’hui, il s’agit d’être réaliste, d’ouvrir les yeux. On va réparer ce qui est réparable, mais il y a des choses qu’on ne peut pas réparer, les pertes en vies humaines...
Ce qu’on peut faire, c’est d’essayer d’indemniser les familles. Je sais que les populations ne sont pas réfractaires au pardon, elles demandent souvent à comprendre qu’est-ce qui s’est passé, pourquoi on en est arrivé là. Elles voudraient que justice soit faite », a poursuivi l’archevêque.

Par ailleurs, d’autres préoccupations ont été évoquées au cours de cette rencontre. Il s’agit notamment des dossiers des victimes de l’insurrection des 30 et 31 octobre 2014 et du coup d’État manqué de septembre 2015 et celui relatif à la radiation des policiers et militaires, suite à la mutinerie de 2011.Le président du HCRUN, Léandre Bassolé, se veut rassurant. Il promet ainsi que tous ces dossiers seront traités pour le bonheur du peuple burkinabè.

Aussi, il a indiqué qu’un travail sérieux a été fait depuis la mise en place de l’institution. « C’est vrai que des dossiers ont été traités, notamment le dossier des blessés de l’insurrection et du coup d’état manqué. Aujourd’hui, beaucoup ont été opérés à Ouagadougou et le dernier a été évacué en Tunisie le vendredi dernier. Pour le cas des policiers et militaires radiés, nous avons fait des propositions, elles sont sur la table et nous attendons leur mise en application », a-t-il laissé entendre.

Romuald Dofini
Lefaso.net

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