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Economie : Les industries d’huilerie se meurent à Bobo-Dioulasso

lundi 31 décembre 2018, par jack

A Bobo-Dioulasso, les unités d’huilerie connaissent un problème de mévente dû à un certain nombre de facteurs, notamment l’importation frauduleuse des huiles à l’intérieur du pays. Dans les cinq unités de production d’huile que nous avons visitées le 24 décembre 2018, le constat est amer, en ce sens que tous les magasins sont remplis de stocks invendus. « C’est la mévente totale dans toutes les unités ». Ainsi, les acteurs interpellent les autorités pour la mise en œuvre d’actions concrètes. Lesquelles actions doivent assainir le marché et rendre effective la prise en compte de la production locale dans l’approvisionnement des structures publiques.

Cette visite des huileries dans la ville de Sya a été initiée par le député Moussa Zerbo, afin de toucher du doigt les difficultés que ces unités de production rencontrent. Selon lui, la capitale économique, Bobo-Dioulasso, se meurt car toutes les unités industrielles sont en train de fermer. En effet, à Bobo-Dioulasso, le secteur industriel a toujours été considéré comme l’un des moteurs du développement économique et social du Burkina Faso, par sa large contribution à la création de richesses, la résorption du chômage et la lutte contre la pauvreté.

Ce secteur industriel se trouve aujourd’hui confronté à de grandes difficultés qui, non seulement, hypothèquent son essor, mais menacent également sa survie. Une situation grave et déplorable qui concernerait le secteur industriel dans sa totalité. Toutefois, le secteur agro-alimentaire, avec les unités d’huilerie, semble le plus touché. Cette situation serait, selon les acteurs, le résultat conjugué de plusieurs facteurs tant exogènes qu’endogènes.

Parmi ces facteurs, on peut retenir la forte concurrence déloyale des produits importés, la difficulté d’accès aux marchés extérieurs de la sous-région. « Nos huiles ne sont plus compétitives à cause des nombreuses taxes à payer. Le marché est ainsi inondé par des huiles importées qui sont écoulées à des prix défiant toute concurrence ». Résultat : aucun produit local n’est vendu.

Des emplois menacés

A en croire Daouda Barro, comptable à l’huilerie Fatim, sa société connaît la mévente depuis cette année 2018, et cela est dû à l’importation frauduleuse d’huile. « C’est depuis cette année que nous avons connu la mévente. Actuellement, nous avons 35 000 bidons d’huile de 20 litres stockés dans nos magasins. En valeur commerciale, c’est estimé à environ un demi-milliard de francs CFA », nous a confié Daouda Barro. Cette situation n’est pas sans conséquence sur sa société, car aujourd’hui, elle fait face à des difficultés financières qui empêchent son fonctionnement. En effet, c’est environ 120 emplois qui sont menacés dans cette société. « La cour est vide, il n’y pas de graine. Nous sommes obligés d’arrêter les machines. Et si ça continue, c’est sûr que ce sont des personnes qui iront au chômage », a-t-il déploré.

C’est le même constat à SOFIB Huilerie. Toutes les machines sont arrêtées actuellement. Julien Ouattara, responsable de SOFIB Huilerie, estime également que cette situation est due principalement à la concurrence déloyale. Il affirme que la situation de mévente dans sa société perdure depuis mai 2018 et il y a une soixantaine d’emplois permanents et plus de 120 emplois temporaires qui sont menacés. « Nous avons 48 000 bidons de 20 litres non-vendus et cela équivaut à une valeur monétaire de 648 millions de francs CFA. Jusqu’à présent, nous n’arrivons pas à écouler notre stock », a souligné Julien Ouattara.

« Le gouvernement ne fait rien… »

Ousmane Sawadogo tient pour responsables les premières autorités du pays. « Il y a des huiles étrangères qui ont envahi le marché, provoquant une mévente à notre niveau, et le gouvernement ne fait rien », a-t-il regretté. Selon lui, cette mévente a eu beaucoup d’impact sur les travaux. En effet, c’est depuis le début de l’année 2018 que la société n’a pas pu vendre un seul bidon d’huile. Alors qu’elle a un stock plus important de 26 000 bidons de 20 litres non-vendu.

Kassari Konaté, cet autre promoteur, a insisté sur la qualité des huiles produites dans leurs usines. Pour lui, « les huiles locales » sont contrôlées permanemment et elles sont sans danger pour la consommation. « La qualité y est, c’est plutôt le prix qui fait défaut », a indiqué ce dernier. C’est pourquoi il a souhaité que le gouvernement enlève la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur les graines, car il estime que cela peut remédier un tant soit peu le problème.

Dernière étape de la visite, la société SN Citex. Cette société connaît également des problèmes d’écoulement de ses produits. Contrairement aux autres unités de production, les machines continuent à tourner à la SN Citex. Au regard de la gravité de la situation (car ce sont des milliers d’emplois qui sont menacés), les acteurs du secteur de l’huilerie interpellent les autorités pour la mise en œuvre d’actions concrètes. Selon eux, ces actions concrètes doivent comporter les mesures nécessaires à l’assainissement du marché au profit de tous les acteurs et à la pleine application de l’arrêté N°2017-002 PM/SG/DGEF du 31 janvier 2017 pour l’effectivité de la prise en compte de la production locale dans l’approvisionnement des structures publiques.

A l’issue de cette visite, le député Moussa Zerbo a lancé un cri de cœur. « Toutes les unités de production d’huile que nous avons visitées aujourd’hui connaissent un problème de mévente. Cela doit interpeler tout un chacun, pour la simple raison que c’est une production nationale qui, en principe, devrait passer en premier lieu dans notre consommation. Malheureusement, toutes ces unités sont sur le point de fermer, toute chose qui a une conséquence qui est le chômage, qu’il soit technique ou définitif ; cela n’arrange pas notre population », a-t-il laissé entendre.

« Nos huiles sont pourtant de bonne qualité »

Selon lui, « nos unités produisent de l’huile de bonne qualité et pendant ce temps, il y a de l’huile qui entre frauduleusement pour concurrencer nos huiles produites ; toute chose qui cause un problème de santé publique. Aujourd’hui, les maladies cardio-vasculaires sont dues à la consommation de ces huiles impropres à la santé. Comme c’est de l’huile qui entre et qui n’est pas contrôlée et qu’on vend moins cher sur le marché, les gens sont obligés de se rabattre là-dessus ». C’est pourquoi il interpelle également les autorités au niveau de l’exécutif, afin que les engagements pris puissent être honorés.

A l’en croire, le Premier ministre Paul Kaba Thiéba avait pris l’engagement de faire en sorte que « les huiles qui sont produites chez nous » soient consommées dans les administrations et les cantines scolaires. « Lorsque nous constatons que ces propos ne sont pas suivis d’actions, il y a lieu de l’interpeler et interpeler le ministre du Commerce également, afin qu’ils puissent tenir parole. Les industriels ont produit en tenant compte de la demande au niveau national. Maintenant, si cette huile n’est pas achetée pour être mise à la disposition de nos populations, il y a véritablement un problème. C’est en sens que nous pensons qu’il y a lieu qu’on agisse et le plus rapidement possible ; parce que déjà, certaines sont dans des difficultés et on se demande comment ils pourront s’en sortir », a décrié le député Moussa Zerbo.

Déterminé à redonner à Bobo-Dioulasso son image d’antan de capitale économique, Moussa Zerbo compte mener le plaidoyer au niveau de la Représentation nationale afin qu’elle puisse entreprendre des actions à l’endroit de l’exécutif. Toutefois, certaines suggestions ont été faites, notamment la mise en place de mesures de protection de notre production nationale contre la concurrence déloyale (lutte contre la fraude, dédouanement rigoureux sur la base de la valeur réelle) ; la prise de mesures incitatives assurant la compétitivité et la performance des unités industrielles nationales (allègement fiscal adéquat, diminution des coûts de production) et favoriser l’écoulement des « huiles locales » dans les marchés voisins.

Romuald Dofini
Lefaso.net

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