Lâcher de moustiques génétiquement modifiés à Bana : « Un projet innovant » de lutte contre le paludisme, selon l’IRSS

Publié le jeudi 4 juillet 2019 à 20h15min

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Lâcher de moustiques génétiquement modifiés à Bana : « Un projet innovant » de lutte contre le paludisme, selon l’IRSS

Le lundi 1er juillet 2019, l’Institut de recherche en science de la santé (IRSS), à travers son projet « Target Malaria », a procédé au lâcher de moustiques mâles stériles génétiquement modifiés dans le village de Bana, localité située à 25km de Bobo-Dioulasso (Bana est l’un des villages rattachés à l’arrondissement 7 de la commune de Bobo-Dioulasso). Les responsables du projet ont rencontré, ce mercredi 3 juillet 2019, les professionnels des médias pour apporter quelques éclairages.

L’Institut de recherche en science de la santé (IRSS) est une institution majeure dans la recherche en santé au Burkina Faso. Créé en 1997, il est placé sous la tutelle technique du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique et de l’Innovation. Ce centre a pour mission de mener des recherches qui puissent apporter des solutions aux problèmes prioritaires de santé des populations, de coordonner la recherche dans le secteur de la santé au Burkina Faso, de valoriser et de diffuser les résultats de la recherche.

C’est dans ce cadre que l’institut a mis en place le projet « Target Malaria ». Selon le Dr Abdoulaye Diabaté, chercheur entomologiste médical à l’IRSS, par ailleurs investigateur principal du projet, Target Malaria est un projet de recherche innovant pour développer une nouvelle méthode de lutte contre le paludisme en Afrique.

Il va ainsi contribuer à l’élimination du paludisme d’ici 2030, comme préconisé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). « Target Malaria est un projet de recherche qui vise à développer et partager des technologies génétiques nouvelles, durables et économiques, visant à modifier les moustiques vecteurs de paludisme afin de réduire la transmission de la maladie », a-t-il indiqué.

À l’en croire, le mâle stérile est un moustique anophèle modifié qui, lorsqu’il s’accouple avec une femelle sauvage, les œufs obtenus de l’accouplement n’arrivent pas à maturité et donc ne sont pas viables. « Leur stérilité est induite par une modification génétique ne pouvant être transmise à la génération suivante, puisqu’ils sont stériles », a laissé entendre le Dr Diabaté.

En effet, le paludisme reste un problème majeur de santé publique. Le récent rapport de l’OMS montre une recrudescence des cas au cours des dernières années. Pour les conférenciers, les méthodes de lutte, telles que les moustiquaires imprégnées, les insecticides et les traitements antipaludiques, ont aidé à baisser le nombre de malades et de décès imputables au paludisme, mais ne sont pas suffisantes pour éradiquer la maladie en Afrique.

C’est pourquoi, des équipes de recherche de l’IRSS, en collaboration avec des partenaires internationaux, travaillent sur plusieurs thématiques de recherche de lutte contre le paludisme, notamment la recherche sur les moustiques génétiquement modifiés, dans le cadre du projet « Target Malaria ». Ainsi, l’IRSS dispose d’un insectarium de niveau de confinement ACL-2 répondant aux normes de biosécurité internationales et nationales nécessaires pour le niveau de confinement des arthropodes.

Target Malaria regroupe ainsi des scientifiques tels que des ingénieurs de protéines ; des biologistes moléculaires ; des entomologistes médicaux ; des biologistes de populations ; des chercheurs en sciences sociales ; des conseillers en risques, réglementation, engagement des parties prenantes et communication. Le projet travaille autour de trois piliers fondamentaux que sont la recherche scientifique, l’engagement des parties prenantes et la réglementation.

Le projet a commencé au Burkina Faso depuis 2012. Après sept années d’études et de recherches, l’IRSS a décidé de l’expérimenter. Il a ainsi procédé au lâcher de ces moustiques mâles stériles génétiquement modifiés dans le village de Bana, le lundi 1er juillet. Cela s’est fait avec l’accord de l’Agence nationale de biosécurité (ANB) et des communautés de ladite localité.

« Après des années de travail sur le mâle stérile en milieu confiné, l’IRSS a déposé auprès de l’Agence nationale de biosécurité, un dossier de demande d’autorisation pour procéder à un lâcher à petit échelle de moustiques génétiquement modifiés mâles stériles dans un site d’étude du projet Target Malaria. Ce lâcher, qui nécessite l’accord de l’ANB et l’acceptation des communautés de Bana, a reçu un avis favorable. Cette autorisation fait suite à l’évaluation du dossier et la consultation publique des populations et des sites, effectuées par l’ANB », soutient Dr Diabaté.

Et d’ajouter que « le lâcher à petite échelle a pour objectifs principaux le transfert des connaissances et le développement des compétences de l’équipe. En outre, il va permettre d’acquérir des informations sur le taux de suivi quotidien des moustiques mâles stériles, sur leurs mouvements dans le village (distance parcourue) et sur la capacité pour ces moustiques de participer aux essaims. »

Il a par ailleurs souligné que ces moustiques ont une durée de vie très courte. Ils disparaîtront rapidement et ne peuvent pas se reproduire. Il rassure cependant qu’ils n’auront pas d’impact sur l’incidence du paludisme. Car il estime que le mâle de moustique ne pique pas. « Il n’y a que les femelles qui piquent. Nous n’avons lâché uniquement que les moustiques mâles qui ne piquent pas, donc ne transmettent aucune maladie », a-t-il rassuré. Aussi, il a fait savoir qu’une évaluation indépendante des risques liés à la recherche a été effectuée par l’organisation du Commonwealth pour la recherche scientifique et industrielle (CSIRO).

Pour lui, le choix du site de Bana n’est pas fortuit. « Une étude a d’abord été menée sur le terrain pour voir quel type de moustiques évolue sur le site, quelle est la dynamique saisonnière, le volume de transmission, le comportement de vol et de dispersement et la longévité de l’ensemble de ces moustiques », a laissé entendre l’investigateur principal du projet. Le Dr Diabaté a invité les populations à faire confiance en la « science burkinabè » et à accompagner les chercheurs.

Romuald Dofini
Lefaso.net

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