Moustiques génétiquement modifiés : « Ceux qui en font un débat, c’est juste pour des intérêts égoïstes », selon Gustave Somé, coordinateur de mouvements et associations

Publié le samedi 20 juillet 2019 à 00h09min

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Moustiques génétiquement modifiés : « Ceux qui en font un débat, c’est juste pour des intérêts égoïstes », selon Gustave Somé, coordinateur  de mouvements et associations

Le projet « Target Malaria » continue de faire couler beaucoup d’encre. En effet, après le lâcher des moustiques OGM dans le village de Bana, le lundi 1er juillet dernier, des voix se sont élevées pour condamner l’opération. Pour certains, ce lâcher aurait été fait sans l’accord des communautés de la localité. Des affirmations démenties par le chef du village de Bana.

Le lundi 1er juillet 2019, l’Institut de recherche en sciences de la santé (IRSS), à travers son projet « Target Malaria », a procédé au lâcher de moustiques mâles stériles génétiquement modifiés dans le village de Bana, localité située à 25km de Bobo-Dioulasso, dans l’arrondissement 7. Bien que la libération de ces moustiques ait été approuvée par l’Agence nationale de biosécurité du pays, des associations et certains activistes de la protection de l’environnement ont exprimé de grandes inquiétudes. Depuis lors, des réactions diverses sur la question animent les réseaux sociaux, les débats publics et la presse.

Pour certains, le risque zéro n’existe pas en sciences. « C’est clair que ces moustiques auront des conséquences sur la santé des populations dans le futur ». C’est l’inquiétude émise par ceux qui sont hostiles au projet. D’autres avaient même affirmé que ce lâcher de moustiques a été fait sans l’accord des communautés de la localité de Bana. Des rumeurs disaient que les techniciens et les chercheurs de l’IRSS ont été agressés le jour de l’opération. Nous nous sommes rendus dans le village pour en savoir davantage.

Deux semaines après le lâcher, les populations de la localité ne semblent pas être inquiétées, même si beaucoup estiment qu’il est trop tôt pour le moment de tirer des conclusions. Nous avons ainsi rencontré la notabilité de Bana avec à la tête de cette délégation, le chef du village, Sitèlè Sanou. Selon le conseiller du chef et porte-parole, Kiessira Sanou, « ce projet est la bienvenue contrairement à ce que les gens racontent ».

Le chef du village de Bana, Sitèlè Sanou, en noir et son porte-parole

Prenant la parole au nom du chef, il a rassuré l’opinion publique que la communauté de Bana a été associée à la mise en œuvre du projet dès ses débuts. Pour lui, le lâcher des moustiques s’est fait avec l’acceptation de tous les fils et filles du village. « Nous travaillons ensemble sur le projet depuis 2012 à travers un comité que le village a mis en place. Ils nous ont expliqué son importance et nous tenons à saluer ce projet », a-t-il laissé entendre.

A l’en croire, depuis l’opération du lâcher, il n’y a pas eu d’incident à Bana. Sur l’information disant que les techniciens et les chercheurs de l’IRSS ont été agressés le jour du lâcher, Kiessira Sanou a apporté un démenti. « Nous sommes, nous-mêmes, allés les accueillir le jour où ils venaient pour l’opération. Nous les avons conduits jusqu’au site du lâcher et tout s’est bien passé », a-t-il dit.

Selon lui, même s’il est trop tôt pour sentir un impact du projet, il rassure la population qu’’il n’y a pas d’inquiétude à se faire. Il a par ailleurs souligné que depuis le lâcher, aucune plainte n’a été enregistrée à leur niveau. En effet, un comité a été mis en place, appelé « comité de gestion des plaintes », qui est chargé de gérer toutes les plaintes inhérentes au projet.

Kiessira Sanou, porte-parole du chef de village de Bana

Le chef du village de Bana et sa délégation appellent les Burkinabè au calme et à faire confiance aux acteurs du projet et au gouvernement, car disent-ils « une poule ne nourrit jamais ses poussins de mauvaises graines ». Kiessira Sanou a ajouté que « pour qu’un moustique puisse transmettre un germe à un individu, il faut d’abord qu’il pique la personne. Pourtant ces moustiques lâchés sont des mâles, donc ils ne piquent pas. Ils ne sont pas faits pour durer dans la nature aussi », a-t-il expliqué.

Les acteurs de la santé de la localité ont aussi affirmé avoir été associés au projet. Pour l’infirmier chef de poste de Nasso, Mohammed Serge Ouédraogo, ce projet est à saluer et à encourager, car il est convaincu qu’il va contribuer à réduire le taux de paludisme dans notre pays. « Le projet est dans notre aire sanitaire depuis sept ans déjà. Je suis venu trouver que mes prédécesseurs étaient déjà impliqués dans le projet et nous avons beaucoup adhéré au projet. On est convaincu que cela va réduire le taux de paludisme dans la zone », a-t-il laissé entendre. Avant d’ajouter : « Nous avons relevé des données avant le lâcher des moustiques que nous allons comparer après, pour voir l’incidence du paludisme ».

Des acteurs de la société civile apprécient le projet

Depuis le début du projet « Target Malaria », certaines organisations de la société civile se sont montrées hostiles au projet à travers notamment des marches-meeting, des conférences de presse, etc. Parmi ces organisations, beaucoup semblent adhérer au projet aujourd’hui. Selon Gustave Somé, coordinateur de la coalition de 280 mouvements et associations, leur coalition a mené des activités avec les acteurs du projet pour une meilleure compréhension.

« En tant que OSC, on a été associée au début du projet jusqu’au lâcher des moustiques. On a eu à mener beaucoup d’activités ensemble. Ils nous ont donné des explications sur le projet, sur le processus. On a assisté également au lâcher et tout le monde était présent. Sur place, on n’a rien senti d’extraordinaire. Personne n’était habillé en combinaison, personne n’avait pris de disposition particulière sur place. C’est ce qui nous a encouragé davantage et à comprendre que, ce que les gens disent, ce ne sont que des spéculations », a laissé entendre M. Somé.

Mohamed Serge Ouedraogo, ICP de Nasso

Toutefois, il pense que ceux qui en font un débat « c’est juste pour des intérêts égoïstes. Nous sommes tous au courant que la base de la mortalité au Burkina Faso, c’est le palu. S’il y a aujourd’hui un remède pour ça, je crois qu’on doit l’encourager. Nous avons suivi le projet et nous savons que c’est quelque chose qui va être bénéfique pour le pays ». C’est pourquoi, il invite la population à soutenir les acteurs du projet Target Malaria dans leurs recherches, pour permettre de booster le palu hors du Burkina.

« Nous ne sommes pas des chercheurs, ni des scientifiques. Côté technique nous ne maîtrisons pas trop, mais ils nous ont expliqué comment tout cela se passe. On a eu à visiter le laboratoire, l’insectarium pour nous imprégner du projet. On a eu des explications satisfaisantes », s’est-il réjoui. Il a de ce fait salué la bonne collaboration avec les chercheurs de l’IRSS et leur disponibilité.

Romuald Dofini
lefaso.net

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