Santé : « A tout âge, un accident vasculaire cérébral peut survenir, même chez les bébés », selon le Pr Millogo, neurologue

Publié le mardi 28 février 2023 à 17h41min

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Santé : « A tout âge, un accident vasculaire cérébral peut survenir, même chez les bébés », selon le Pr Millogo, neurologue

Ces dernières années, beaucoup de personnes sont victimes d’accident vasculaire cérébral (AVC). Quels en sont les causes et comment l’éviter ? Le Pr Millogo, neurologue, chef de service de neurologie et chef de département de médecine du Centre hospitalier universitaire Sourô Sanou (CHUSS) de Bobo-Dioulasso nous en dit plus dans cet article

Lefaso.net : Qu’est-ce qu’un AVC, Pr Millogo ?

Pr Athanase Millogo : L’AVC est un Accident vasculaire cérébral qui est une maladie qui atteint les vaisseaux qui irriguent le cerveau.

Quels sont les différents types d’AVC ?

Il y a principalement deux types d’AVC auxquels on peut annexer un troisième. Les accidents vasculaires cérébraux artériels qui sont des accidents vasculaires cérébraux ischémiques et hémorragiques et les accidents vasculaires cérébraux veineux. Les trois sont des affections qui concernent le cerveau et quand on sait que le cerveau est un organe noble, on sait à quel point il est important de ne pas y arriver parce qu’un accident vasculaire cérébral peut être aussi une circonstance de décès si on n’y prend garde.

Quel est le type d’AVC le plus courant en Afrique en particulier au Burkina ?

Déjà ce sont les accidents vasculaires artériels qui sont les accidents vasculaires cérébraux ischémiques ou hémorragiques. L’accident vasculaire cérébral ischémique est l’accident vasculaire le plus fréquent. Il s’agit de l’obstruction d’un des vaisseaux qui conduit le sang du cœur au cerveau. Si ce vaisseau est bouché, obstrué, le territoire du cerveau qu’il doit irriguer ne reçoit plus le sang qu’il faut et ce sang contient de l’oxygène pour faire fonctionner le cerveau. Donc cela peut entraîner des conséquences au niveau du corps humain.

L’accident vasculaire hémorragique est en rapport avec la rupture d’un des vaisseaux qui conduit le sang au cerveau. Là aussi c’est un accident vasculaire dit hémorragique qui est généralement assez grave tout comme l’autre d’ailleurs, ça dépend et ce type d’accident vasculaire cérébral est moins fréquent, il représente à peu près 20% des accidents vasculaires cérébraux contre 80% des accidents vasculaires cérébraux qui sont listés.

Quelles en sont les causes ?

On ne va pas parler des causes en tant que tel mais surtout des facteurs qui prédisposent le corps, l’organisme, à développer un accident vasculaire cérébral, c’est ce qu’on appelle les facteurs de risques vasculaires. Ces facteurs de risques vasculaires sont de deux types : les causes non modifiables par exemple l’âge, le sexe et la race noire notamment et les facteurs de risques modifiables qui sont l’hypertension artérielle, le diabète, le tabagisme, l’alcool mais aussi certaines maladies cardio-vasculaires, la drépanocytose, la sédentarité, l’obésité, l’homocystéine qui est un défaut de certaines substances biochimiques dans le corps qui peuvent être à l’origine d’accidents vasculaires cérébraux dans le contexte, ça c’est les cas généraux .

Mais en Afrique, l’hypertension artérielle est le principal facteur de risques d’accident vasculaire cérébral qu’il s’agisse de l’accident vasculaire cérébral ischémique ou de l’accident vasculaire cérébral hémorragique… C’est dire à quel point il est important de dépister, de traiter, de suivre les hyper tendus pour que cette complication n’arrive pas. L’autre facteur de risque est le diabète qui est un des facteurs de risques connus, le tabagisme aussi, l’alcoolisme, la sédentarité, les maladies cardio-vasculaires, il y en a beaucoup, et dans le contexte de la drépanocytose qui est un contexte tropical où cette maladie sévit surtout en Afrique sub-saharienne.

Quels sont les symptômes d’un AVC ?

L’AVC hémorragique est la survenue soudaine d’un déficit qui peut être sensitif ou moteur d’une partie du corps. Ça peut être un visage qui se déforme ou bien un côté qui est paralysé ou peut être annoncé aussi par des troubles visuels, ou peut-être de la parole où la personne n’arrive plus à articuler et le visage se déforme et rapidement. On peut aussi constater que le côté, un membre ou deux membres du même côté commencent à perdre leur fonction, leur motricité, les mouvements c’est généralement ça.

La survenue est généralement brutale mais parfois on peut trouver le malade dans son lit déjà paralysé parce que ça s’est passé à 2h du matin ou à l’aube où personne n’a pu savoir quand est-ce que ça s’est passé, où on retrouve la personne parfois inconsciente, dans le coma avec un côté paralysé ; ce qui conduit les parents à amener le malade à l’hôpital. Quand quelqu’un pique l’AVC en notre présence, ce qu’on peut faire déjà c’est de l’amener à l’hôpital, c’est le plus urgent parce qu’en matière d’AVC, il y a un acronyme qui dit que l’AVC veut dire Agir Vite pour le Cerveau parce que dans les minutes qui suivent l’AVC, la personne peut en décéder d’une part.

D’autre part dès que l’accident se produit et qu’on a constaté le problème, il faut que la personne se rende le plus rapidement possible à l’hôpital pour que le diagnostic soit fait par l’examen clinique mais surtout par l’imagerie, le scanner ou bien l’IRM qui va mettre en évidence soit la zone où le sang n’arrive plus, la zone qui est ischemiée dans le cas de l’AVC ischémique ou bien que le scanner ou l’IRM mette en évidence le sang dans le cerveau.

C’est donc une urgence parce qu’en plus de faire le diagnostic, si le diagnostic est posé très tôt dans les 4h30, il y a des mesures thérapeutiques particulières qui peuvent permettre de sauver le cerveau et de faire disparaître les conséquences de l’AVC sur le cerveau et que la personne récupère totalement de son déficit. C’est dire que c’est une urgence qui peut conduire à la mort, une urgence pour laquelle si elle est prise en compte très tôt et s’il y a les moyens dédiés et le personnel dédié, normalement on peut sauver la personne très vite dans certains types d’AVC notamment ischémique. C’est une maladie pour laquelle il faut absolument aller à l’hôpital.

Ça ne se gère pas chez le tradi-praticien ou chez le wackman comme on dit, il faut aller à l’hôpital pour qu’ on en fasse le diagnostic parce que si les deux types d’AVC ischémique ou hémorragique ont des traitements communs, ils ont également des traitements spécifiques qu’on ne peut pas faire sans savoir s’il s’agit d’un accident vasculaire ischémique ou hémorragique parce que parfois, le traitement de l’un, s’il est fait pour l’autre type d AVC peut aggraver le mal, si on n’a pas la preuve que c’est un AVC ischémique ou hémorragique.

Quelles sont les séquelles que peuvent laisser un AVC ?

Un AVC peut laisser de lourdes séquelles. Déjà il y a le fait qu’on n’est pas sûre que la personne va récupérer totalement. Dans la paralysie de la moitié du corps par exemple, paralysie du côté droit du corps, le membre supérieur et le membre inferieur on n’est pas sûr que la personne peut récupérer. Elle peut ne pas récupérer totalement et si elle ne récupère pas totalement ou qu’elle ne récupère pas du tout, la personne sera dépendante, elle ne pourra pas reprendre son travail. Vous voyez à quel point ça peut avoir des répercussions sur le plan économique pour la famille ! Ça c’est déjà sur le plan physique.

La personne peut ne pas récupérer de la parole et en termes de séquelle ou de complications il peut y avoir aussi la dépression. Après l’AVC, la personne est impotente, elle ne peut plus faire ce qu’elle veut, elle ne peut pas parler, elle dépend des gens, forcement elle risque de rentrer en dépression. Il y a la possibilité de faire des épilepsies après un AVC. Il y a la possibilité chez l’homme notamment d’avoir une dysfonction érectile et aussi la possibilité de démence c’est à dire que la personne ait une atteinte de ses fonctions supérieures suffisamment grave pour qu’elle ne puisse reprendre ses activités de façon normale d’où l’importance justement pour éviter des séquelles, de faire la prévention en amont pour lutter contre les différents facteurs de risques dont j’ai parlé comme l’hypertension artérielle, le diabète, le tabagisme l’alcoolisme, les maladies cardio-vasculaires, la sédentarité, l’obésité. Il faut vraiment se battre pour éviter de faire le nid de l’AVC.

Est-ce qu’on peut guérir après avoir piqué un AVC ?

Oui il y en a qui récupèrent totalement mais la guérison est une chose et la récidive est une autre. Si les facteurs de risques qui ont conduit à l’AVC n’ont pas été pris en compte et maîtrisés, la personne peut encore en refaire un. Quand on réchappe à un premier AVC, le second est toujours plus dangereux et peut conduire encore plus rapidement à la mort.

Y a-t-il des règles à respecter pour prévenir d’un AVC ?

Les règles à respecter c’est déjà l’hygiène de vie, c’est de consulter régulièrement ses médecins au moins deux fois l’année, c’est d’avoir son état tensionnel, notamment d’abord si on est hyper tendu ou diabétique. Si on a des problèmes cardio-vasculaires cardiaques, qu’ils soient pris en compte et qu’on évite le tabac, l’alcool, la sédentarité. C’est à dire qu’on doit bouger, on ne doit pas rester inactif, éviter l’obésité, ce sont les principaux facteurs à éviter ou à conjurer pour éviter d’en arriver là. Mais il y a des facteurs non modifiables comme l’âge, et l’AVC est généralement plus fréquent chez les personnes plus âgées mais ça ne veut pas dire qu’il n’existe pas chez les jeunes.

A tout âge un AVC peut survenir même chez les bébés. Mais le plus souvent, c’est l’âge mûr après 50 ans, 60 ans que c’est plus fréquent. Il y a également d’autres facteurs de risques notamment chez les sujets jeunes qui sont des substances, des drogues qui peuvent concourir à développer un accident vasculaire cérébral. En dehors du tabac qui est déjà connu, les autres drogues consommées peuvent aussi faire le nid des accidents vasculaires cérébraux chez les jeunes. Chez ces sujets jeunes aussi les accidents vasculaires cérébraux peuvent être en rapport avec la drépanocytose. Mais d’autres causes comme la syphilis peuvent s’inviter comme cause de l’AVC, notamment ischémique, chez les sujets jeunes.

L’AVC est donc une urgence médicale ?

Pour résumer, l’accident vasculaire cérébral est une urgence, il faut faire rapidement le diagnostic et faire rapidement le traitement. Il faut mettre rapidement en route le traitement compte tenu des risques parce que l’AVC tue beaucoup. Dans les services de neurologie dans nos pays en Afrique sub-saharienne, au moins la moitié des lits de neurologies sont occupés par les personnes atteintes d’accident vasculaire cérébral. L’AVC tue, la mortalité est d’environ 30% et pratiquement un sur trois peut mourir d’un AVC.

En dehors de la mort, la personne peut faire des récidives et cette récidive sera une occasion supplémentaire de mourir. En dehors de la mortalité il y a les séquelles avec la paralysie de demi-corps (l’hémiplégie), ça peut être les troubles de la parole, des crises épileptiques, la démence, un dysfonctionnement érectile, une dépression après l’accident vasculaire cérébral.

Tous ces éléments qui font peur justement sont des éléments à prendre en compte pour ne pas en arriver là. Il faut prendre en compte les facteurs de risques vasculaires, les diagnostiquer et les traiter de façon efficace et accepter la surveillance par les médecins grâce aux contrôles répétés surtout après l’accident vasculaire cérébral pour éviter la récidive ou même la mort.

Haoua Touré
Lefaso.net

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